papillome inversé rhinosinusien

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CAS CLINIQUE AUX EXPERTS Papillome inversé rhinosinusien § Inverted nasosinusal papillome R. Jankowski a , A. Coste b , P. Verdalle c, * a Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, hôpital Central, 29, avenue De-Lattre-de-Tassigny, CO 34, 54035 Nancy, France b Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, centre hospitalier intercommunal, 40, avenue de Verdun, 94010 Créteil, France c Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, 83800 Toulon, France Reçu le 26 novembre 2007 ; accepté le 7 juillet 2008 Disponible sur Internet le 7 septembre 2008 Homme de 50 ans, sans exposition professionnelle à risque, qui consulte pour une obstruction nasale chronique droite d’évolution progressive depuis trois mois. L’interrogatoire ne retrouve ni céphalée, ni rhinorrhée sérosanglante. L’endosco- pie nasale met en évidence à droite une lésion exophytique d’aspect gris rosé au niveau du méat moyen droit. L’endoscopie de la fosse nasale gauche est normale. QUESTION 1 Quelle attitude adoptez-vous en première intention : une biopsie à visée diagnostic ou un examen d’imagerie, et dans ce cas, quel est l’examen que vous demandez ? Si vous demandez un scanner des sinus de la face : qu’attendez-vous de cet examen ? R. JANKOWSKI L’endoscopie révèle une lésion exophytique d’aspect gris- rosé du méat moyen droit, l’endoscopie de la fosse nasale gauche est normale. Nous sommes donc devant un syndrome tumoral unilatéral de la fosse nasale. La biopsie est bien sûr indispensable, mais il faut d’emblée retenir et prévenir le patient qu’elle n’est pas forcément représentative de la totalité de la tumeur, surtout dans le cas où l’aspect endoscopique évoque un papillome inversé. La biopsie peut être réalisée dès la première consultation, avant même la réalisation du scanner et de l’IRM car en pathologie tumorale des sinus, une biopsie ne compromet pas l’analyse radiologique de l’extension de la tumeur. Je demande d’emblée une imagerie TDM et IRM avec comme renseignement clinique pour le radiologue : « syndrome tumoral de la fosse nasale droite ». J’attends du scanner des sinus qu’il me précise : l’étendue et l’aspect des opacités associées à cette masse tumorale unilatérale ; l’existence ou non d’une lyse des parois osseuses qui forment les frontières de l’organe nasosinusien ; le franchissement éventuel de ces frontières avec compres- sion ou envahissement des organes de voisinage ; l’existence de lésions secondaires induites, telle que, par exemple, une mucocèle ; l’état des sinus controlatéraux gauches ; enfin, d’une manière plus générale, l’anatomie morphologique des sinus du patient. Je demande également d’emblée, une IRM des sinus car je pourrais ainsi dès la seconde consultation, au vu des données de la biopsie, du scanner et de l’IRM, renseigner le patient de manière efficace et le mettre en confiance pour la prise en charge thérapeutique grâce à des données complètes et précises. A. COSTE Avant la réalisation de tout examen complémentaire, je complèterais volontiers l’interrogatoire et l’examen clinique. À l’interrogatoire, je rechercherais une anosmie et des pathologies associées comme l’asthme et l’intolérance à l’aspirine ou aux sulfites, dont l’absence constituerait un argument non discriminant, mais néanmoins négatif pour le diagnostic de polypose nasosinusienne. À l’examen, je rechercherais des troubles visuels et de l’oculomotricité ainsi que des troubles de la sensibilité, Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 125 (2008) 224–233 § Dossier rédigé par le Pr P. Verdalle, service d’ORL et de chirurgie cervi- cofaciale, hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, 83800 Toulon, France. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Verdalle). 0003-438X/$ see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. doi:10.1016/j.aorl.2008.07.004

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Page 1: Papillome inversé rhinosinusien

e 125 (2008) 224–233

Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-facial

§ Dossier rédigé par lecofaciale, hôpital d’instruc

* Auteur correspondanAdresse e-mail : pierre

0003-438X/$ see front m

doi:10.1016/j.aorl.2008.07

CAS CLINIQUE AUX EXPERTS

Papillome inversé rhinosinusien§

Inverted nasosinusal papillomeR. Jankowski a, A. Coste b, P. Verdalle c,*

a Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, hôpital Central, 29, avenue De-Lattre-de-Tassigny, CO 34, 54035 Nancy, Franceb Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, centre hospitalier intercommunal, 40, avenue de Verdun, 94010 Créteil, Francec Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, 83800 Toulon, France

Reçu le 26 novembre 2007 ; accepté le 7 juillet 2008Disponible sur Internet le 7 septembre 2008

Homme de 50 ans, sans exposition professionnelle à risque,qui consulte pour une obstruction nasale chronique droited’évolution progressive depuis trois mois. L’interrogatoire neretrouve ni céphalée, ni rhinorrhée sérosanglante. L’endosco-pie nasale met en évidence à droite une lésion exophytiqued’aspect gris rosé au niveau du méat moyen droit. L’endoscopiede la fosse nasale gauche est normale.

QUESTION 1

Quelle attitude adoptez-vous en premièreintention : une biopsie à visée diagnostic ou unexamen d’imagerie, et dans ce cas, quel estl’examen que vous demandez ? Si vous demandezun scanner des sinus de la face : qu’attendez-vousde cet examen ?

R. JANKOWSKIL’endoscopie révèle une lésion exophytique d’aspect gris-

rosé du méat moyen droit, l’endoscopie de la fosse nasalegauche est normale. Nous sommes donc devant un syndrometumoral unilatéral de la fosse nasale. La biopsie est bien sûrindispensable, mais il faut d’emblée retenir et prévenir le patientqu’elle n’est pas forcément représentative de la totalité de latumeur, surtout dans le cas où l’aspect endoscopique évoqueun papillome inversé.

La biopsie peut être réalisée dès la première consultation,avant même la réalisation du scanner et de l’IRM car en

Pr P. Verdalle, service d’ORL et de chirurgie cervi-tion des armées Sainte-Anne, 83800 Toulon, [email protected] (P. Verdalle).

atter � 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserve

.004

pathologie tumorale des sinus, une biopsie ne compromet pasl’analyse radiologique de l’extension de la tumeur.

Je demande d’emblée une imagerie TDM et IRM aveccomme renseignement clinique pour le radiologue :« syndrome tumoral de la fosse nasale droite ».

J’attends du scanner des sinus qu’il me précise :

� l’

s.

étendue et l’aspect des opacités associées à cette massetumorale unilatérale ;

� l’ existence ou non d’une lyse des parois osseuses qui forment

les frontières de l’organe nasosinusien ;

� le franchissement éventuel de ces frontières avec compres-

sion ou envahissement des organes de voisinage ;

� l’ existence de lésions secondaires induites, telle que, par

exemple, une mucocèle ;

� l’ état des sinus controlatéraux gauches ; � e nfin, d’une manière plus générale, l’anatomie morphologique

des sinus du patient.Je demande également d’emblée, une IRM des sinus car je

pourrais ainsi dès la seconde consultation, au vu des données dela biopsie, du scanner et de l’IRM, renseigner le patient demanière efficace et le mettre en confiance pour la prise en chargethérapeutique grâce à des données complètes et précises.

A. COSTEAvant la réalisation de tout examen complémentaire, je

complèterais volontiers l’interrogatoire et l’examen clinique.À l’interrogatoire, je rechercherais une anosmie et des

pathologies associées comme l’asthme et l’intolérance àl’aspirine ou aux sulfites, dont l’absence constituerait unargument non discriminant, mais néanmoins négatif pour lediagnostic de polypose nasosinusienne.

À l’examen, je rechercherais des troubles visuels et del’oculomotricité ainsi que des troubles de la sensibilité,

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R. Jankowski et al. / Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 125 (2008) 224–233 225

notamment du V2, arguments positifs pour un processustumoral invasif, mais aussi éléments médicolégaux en vue d’unechirurgie.

Je demanderais ensuite un scanner du massif facial et descavités nasosinusiennes, examen facile à obtenir rapidement etqui peut donner des informations fondamentales :

� c aractère unilatéral ou bilatéral des opacités ; � d egré d’extension de ces opacités aux diverses cavités

sinusiennes ;

� e xistence de lyses osseuses (à minima : mur nasomaxillaire,

septa ethmoïdaux ; importantes : paroi orbitaire, base ducrâne, parois sphénoïdales, parois maxillaires) ;

� h omogénéité ou hétérogénéité des opacités ; � p résence de calcifications ; � t

Fig. 1. Scanner sinus coupe axiale : processus occupant de tout l’ethmoïdedroit.

Fig. 2. Scanner sinus : coupe coronale :� a droite : processus occupant ethmoıdo-frontomaxillaire avec lyse des septa

ethmoıdaux et aspect de macrocalcification ;

� a gauche : processus occupant etmoıdofrontal.

opographie et rapports anatomiques des cavités sinusiennes(fondamental en cas de chirurgie).La présentation clinique du cas de ce patient évoque

d’emblée un processus tumoral du fait de l’atteinte unilatérale àl’endoscopie avec présence « d’une lésion exophytique d’aspectgris rosé » qui fait plus précisément penser à un papillomeinversé. Les arguments au scanner en faveur de ce diagnosticseraient la présence d’opacités unilatérales droites avec lysesosseuses, notamment du mur nasomaxillaire et des septaethmoïdaux et macrocalcification(s).

Si ces éléments étaient présents, je demanderais alors uneIRM afin de préciser la stratégie chirurgicale. En effet, auxvues de l’endoscopie et de l’histoire clinique avec au scannerune lésion expansive unilatérale sans lyses osseusesmarquées (orbite, base du crâne), j’évoquerais avant toutle diagnostic de papillome inversé et programmerais, aprèsinformation et accord du patient, une exérèse chirurgicale àvisée diagnostique et curative avec examen anatomopa-thologique extemporané. Je ne réaliserais pas de biopsie enconsultation car celle-ci aurait très peu de chances demodifier mon attitude. En effet, dans un cas typique, unebiopsie en consultation, forcément limitée, confirmeraitcertes le diagnostic, mais aurait des chances très limitéesde montrer la présence de foyer(s) de carcinome épider-moïde. Seule une biopsie large et donc chirurgicale seraitintéressante, ce qui revient à proposer la chirurgied’emblée.

Si le scanner était atypique (opacités bilatérales, lysesosseuses importantes), je demanderais une IRM et pratiqueraisune biopsie sous anesthésie locale en consultation afin derechercher un processus tumoral malin.

QUESTION 2

Quels sont les éléments apportés par le scanner surl’extension et l’aspect de ce processus occupant ?

R. JANKOWSKIAlors que l’endoscopie de la fosse nasale gauche est

normale, le scanner dévoile l’existence d’opacités ethmoï-dofrontales gauches. Nous y reviendrons car il fautd’abord analyser les opacités situées du côté tumoral(Fig. 1 et 2).

Du côté droit, les opacités occupent les sinus ethmoïde,maxillaire et frontal.

En coupe axiale, seul le sinus sphénoïdal est respecté du côtédroit. L’ethmoïde est totalement opaque, la fente olfactiveapparaît respectée. Il ne semble pas exister de lyse de la paroiorbitaire. Sur cette seule coupe axiale, le processus paraît donccontenu dans les limites du carter ethmoïdal.

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En coupe coronale, les opacités droites sont plusinquiétantes, avec une lyse de la paroi interne de l’orbite etun syndrome de compression débutant du contenu orbitaire ;au niveau frontal, il semble également exister une lyserelativement limitée de la portion médiane du toit de l’orbite.Par ailleurs, le toit du sinus frontal droit, par comparaison aucôté gauche, semble également avoir perdu sa courburenaturelle, évoquant un processus intrafrontal expansif refoulantle toit du sinus. Ce syndrome expansif intrasinusien, bien qu’ilexiste plusieurs zones de lyse osseuse, ne semble cependant pasenvahir les structures adjacentes (graisse orbitaire, étageantérieur). Le scanner, en coupe coronale, nous révèlecependant du côté droit une image très caractéristique,associant une lyse des cloisons ethmoïdales et un aspect denéocalcification centrale du contenu ethmoïdal qui est trèsévocateur d’un papillome inversé.

En ce qui concerne les sinus gauches, la coupe axiale peutêtre considérée comme subnormale ; en revanche, en coupecoronale, il existe une opacité complète du sinus frontal gaucheet de l’ethmoïde antérieur et supérieur. Cette opacitéethmoïdofrontale gauche n’a aucune caractéristique (pas decalcification, pas de syndrome de compression, pas de lyseosseuse).

A. COSTENous disposons ici d’une coupe axiale passant par l’étage

« moyen » de l’ethmoïde et d’une coupe coronale antérieurepassant par la crista galli.

Sur la coupe axiale, nous n’apprenons rien sur l’état dessinus maxillaires et frontaux. Il existe une opacité homogènede toutes les cellules ethmoïdales droites antérieures etpostérieures avec, me semble-t-il, un aspect déminéralisé dessepta et de la partie antérieure de la paroi orbitaire. Il n’y apas de calcification visible, l’opacité ne franchit pas la lame ducornet moyen en dedans. Enfin, le sphénoïde est libre detoute opacité. Du côté gauche, il existe une opacité trèslimitée de l’ethmoïde antérieur prébullaire sans lyseosseuse et un discret épaississement muqueux dansl’ethmoïde postérieur. Là encore, le sphénoïde gaucheapparaît libre.

Sur la coupe coronale, du côté droit, les opacités touchentl’ethmoïde antérieur, le sinus frontal et le sinus maxillaire. Ladéminéralisation des septa ethmoïdaux est franche et jeretrouve une lyse de la paroi orbitaire au niveau de la lamepapyracée et une lyse ponctuelle du plancher externe dusinus frontal. Enfin, à la partie basse de l’ethmoïde, jeretrouve un aspect de « macrocalcification » qui peutcorrespondre à un remodelage osseux du cornet moyen ou àun séquestre osseux. Du côté gauche, l’opacité ethmoïdaleantérieure est marquée avec peut-être une déminéralisationdes septa et il existe une opacité de tout le sinus frontal sanslyse osseuse.

À ce stade, il existe donc des arguments scannographiquesen faveur du papillome inversé que constituent l’atteinteantérieure et postérieure de l’ethmoïde droit, la présence dedéminéralisations des septa et de lyses osseuses et celle d’une« macrocalcification ». L’opacité du sinus maxillaire ne peut être

interprétée comme une extension ou une rétention, enrevanche celle du sinus frontal évoque une extension du fait dela présence de la lyse du plancher. Les opacités frontoethmoï-dales gauches sont plus délicates à interpréter dans la limite descoupes présentées. Elles peuvent traduire une extension dupapillome inversé droit à travers le sinus frontal (lyse du septuminterfrontal ?) ou la présence d’un papillome inversé bilatéral,rare mais décrit. Elles peuvent aussi traduire la présence d’uneatteinte purement inflammatoire controlatérale. Enfin, ellespeuvent être interprétées comme un signe d’agressivitéparticulière du papillome inversé et donc faire évoquerl’association à un carcinome épidermoïde. Un autre diagnosticde tumeur maligne (adénocarcinome, esthésioneuroblastome,lymphome, mélanome. . .) ne peut bien sûr pas être écarté maisreste très peu probable compte tenu du tableau clinique etscannographique.

QUESTION 3 : DEVANT UNE PATHOLOGIETUMORALE SINUSIENNE ASYMÉTRIQUE ETNON ÉVOCATRICE DE POLYPOSENASOSINUSIENNE UNE IRM EST-ELLEINDISPENSABLE ?

Quelles sont les séquences que vous jugeznécessaires dans ce cas clinique et quelles sont vosconclusions sur les clichés IRM présentés. Existe-t-ildes critères suspects de malignité sur les coupesTDM et IRM présentées ?

R. JANKOWSKIJ’ai déjà répondu oui à cette question. L’IRM doit comporter

des séquences en T1 et en T2 avec injection de gadolinium(Fig. 3 et 4).

Des deux images IRM en coupe coronale qui nous sontproposées, je retiens surtout les informations de la séquenceT2. Elle montre à l’évidence :

� d u côté droit, trois types de signes différents :� un hyposignal franc correspondant à la totalité de

l’ethmoïde avec envahissement du sinus frontal droit etde l’attache supérieure du cornet inférieur, cette opacitécorrespond probablement à la masse tumorale,� un hypersignal franc de la corne supéroexterne du sinus

frontal droit, très évocateur d’une rétention liquidienne(sécrétions ?),� un signal d’intensité intermédiaire dans le sinus maxillaire

droit qui évoque davantage une rétention de sécrétionsdesséchées très épaisses (sécrétions vieillies),

� d

u côté gauche, deux signaux différents :� un hypersignal du sinus frontal gauche qui évoque une

rétention liquidienne,� un hyposignal nodulaire à hauteur de l’isthme nasofrontal

qui est peut-être la cause du mauvais drainage frontalgauche.

Cette conséquence T2 montre clairement qu’il n’y a pasd’envahissement ni des structures orbitaires, ni des structuresendocrâniennes, bien que l’effet compressif sur la paroi internede l’orbite soit net.

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Fig. 3. IRM séquence T2.� processus occupant en hyposignal fronto-ethmoıdomaxillaire droit ;

� processus occupant en hyposignal ethmoıdofrontal gauche.

Fig. 4. IRM T1 Sat fat – gadolinium :� processus occupant ethmoıdofrontal bilateral rehausse par le gadolinium.

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L’image séquence T1 gadolinium révèle des signaux trèshétérogènes tant à droite qu’à gauche au niveau del’ethmoïdofrontal, seul le sinus maxillaire droit paraît enhyposignal, argument supplémentaire en faveur d’une rétentionde sécrétions déshydratées. Un seul élément supplémentaire ànoter sur ce cliché : à hauteur de la lyse du toit de l’orbite existeune image arrondie en hyposignal : pourrait-il s’agir d’une petitemucocèle ?

Au total, l’ensemble des données TDM et IRM présentéesdoivent rendre très prudent. Il n’y a pas de signe franc demalignité, mais il existe un processus expansif responsable d’unsyndrome compressif avec lyse osseuse.

A. COSTESi la tumeur ne concerne que le méat moyen et la partie

inférieure de l’ethmoïde sans atteindre la base du crâne, sanslyser la paroi orbitaire et sans opacités des sinus maxillaire,frontal et sphénoïdal, l’IRM ne me paraît pas indispensable.Dans tous les autres cas, je la demande systématiquement avecdes séquences classiques en pondération T1, T2 et T1 aprèsinjection de gadolinium.

Nous disposons ici d’une coupe coronale en T2 passant parla crista galli, et d’une coupe coronale un peu plus antérieure enT1 après injection de gadolinium.

À droite, sur la coupe en T2 l’opacité maxillaire apparaîthomogène en discret hyposignal avec un liseré en isosignalévoquant une rétention ce que confirme l’aspect en T1 injectéavec rehaussement du liseré (muqueuse inflammatoire) etisosignal homogène au centre. Le processus tumoral est enhyposignal T2, hétérogène, se poursuivant dans le sinus frontaldroit qu’il occupe presqu’en totalité si ce n’est une petite lamede rétention dans sa partie supéroexterne. En T1 aprèsinjection la tumeur prend bien le contraste et reste hétérogèneavec un aspect pseudolamellaire dans l’ethmoïde assezévocateur de papillome inversé. Toujours sur cette coupeT1 injectée, on retrouve très bien la lyse du plancher externedu sinus frontal, avec une saillie de la tumeur dans l’orbiterefoulant discrètement son contenu sans l’envahir. Il n’y aaucune atteinte de la base du crâne, aucun franchissement de lalame du cornet moyen.

À gauche, en T2, la partie ethmoïdale de l’opacité estsemblable à l’aspect droit alors que la partie frontale apparaîtplutôt en isosignal. Néanmoins, en T1 injecté, les partiesethmoïdale et frontale de l’opacité ont un aspect identique etsont en continuité, comme à droite, signant une atteintebilatérale. De ce côté, aucune atteinte de l’orbite ni de la basedu crâne, pas de franchissement de la lame du cornet moyen.Comme sur le scanner, il n’est pas possible dans la limite descoupes disponibles de savoir s’il s’agit d’une localisationbilatérale ou d’une extension à travers le septum interfrontal.

L’atteinte bilatérale, la lyse orbitaire au scanner et à l’IRMconstituent des signes d’agressivité particulière de ce papillomeinversé et qui doivent faire évoquer en premier lieu lapossibilité d’un carcinome épidermoïde associé. Bien que l’IRMrenforce les arguments pour un diagnostic positif de papillomeinversé, il n’est pas possible d’exclure une tumeur d’autrenature.

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QUESTION 4 : UNE BIOPSIE RÉALISÉE SOUSANESTHÉSIE LOCALE DANS LA FOSSENASALE DROITE AFFIRME LE DIAGNOSTIC DEPAPILLOME INVERSÉ

Quelle attitude thérapeutique préconisez-vouspour ce papillome inversé ethmoïdofrontomaxillaire droit ? Le processus occupantethmoïdofrontal gauche présentant le mêmeaspect IRM doit-il être pris en compte, en raison dela possibilité de bilatéralité des papillomesinversés ? Quels sont les éléments sur lesquelsrepose le choix de la voie d’abord chirurgicale ?Quelle information donnez-vous au patient ?

R. JANKOWSKI

� Q uelle attitude thérapeutique préconisez-vous pour ce

papillome inversé ethmoïdofrontal maxillaire droit ?Je proposerais au patient une exérèse par voie endosco-

pique endonasale des lésions ethmoïdales, associée à unabord externe par voie bicoronale de Cairns Unterbergerpour assurer l’exérèse du prolongement intrafrontal droit dela tumeur et vidanger d’une éventuelle petite mucocèleassociée et exploration dans le même temps des opacités dusinus frontal gauche. Par ailleurs, je préviendrais le patientd’un éventuel abord endoscopique de fosse canine droite aucas où, si pendant l’intervention, je découvrais un pro-longement tumoral comblant totalement le sinus maxillaire etinaccessible à une exérèse par voie endonasale.

L’association de ces trois voies d’abord devrait permettreune exérèse complète et carcinologique de la tumeur, que cesoit un papillome inversé totalement bénin ou un papillomeinversé déjà dégénéré. La voie paralatéronasale ne me sembleoffrir aucun avantage. Il me paraît important de souligner undernier point : le cornet inférieur méritera dans doute d’êtresacrifié totalement au vu des images IRM avec de ce fait,création d’une large biméatotomie. Cette large biméatoto-mie, s’il y a extension tumorale dans le sinus maxillaire, n’estpas toujours suffisante pour une exérèse complète deslésions intramaxillaires et l’abord endoscopique de fossecanine peut malgré tout se justifier.

Il pourrait être tentant de proposer un abord sourcilier,voire bisourcilier (incision en arbalète) pour explorer le sinusfrontal droit ou les deux sinus frontaux. Il s’agit d’une voieexiguë avec une exposition difficile qui ne mériterait d’êtreproposée qu’à un patient fragile présentant des risquesanesthésiques.

� L e processus occupant ethmoïdofrontal gauche présentant le

même aspect IRM doit-il être pris en compte en raison de lapossibilité de bilatéralité des papillomes inversés ?

La nature des opacités ethmoïdofrontales gauches esttotalement inconnue puisque l’endoscopie de la fosse nasalegauche est normale. Le patient étant endormi, je pense que jedébuterais l’intervention par une exploration de l’ethmoïdeantérieur gauche avec biopsie et examen extemporané.L’hypothèse d’un papillome inversé controlatéral est peuprobable mais négliger cette opacité ethmoïdofrontale

gauche ne paraît pas logique. Une solution alternativepourrait être de prescrire au patient un traitementantibiocorticoïde et de refaire un scanner de contrôle etde n’explorer cette lésion que si elle n’a pas disparu.

� Q uels sont les éléments sur lesquels repose le choix de la

voie d’abord chirurgicale ?La ou les voies d’abord doivent être choisies en vue d’une

exérèse carcinologique de la tumeur, qu’elle soit bénigne danssa totalité (papillome inversé) ou présentant déjà des signes dedégénérescence maligne. L’extension au sinus frontal avecsyndrome de masse tumorale nécessite une bonne expositionpour une exérèse satisfaisante des lésions, d’où le choix de lavoie de Cairns Unterberger. La voie paralatéronasale nesemble pas, dans mon expérience, apporter d’avantagesdécisifs sur une exérèse endonasale pour la partie ethmoïdalede la tumeur. En revanche, l’abord endoscopique de la fossecanine peut toujours être nécessaire pour l’exérèse complètedes lésions intramaxillaires car seule cette voie permet uneexploration complète des trois récessus (lacrymal, orbitaire etzygomatique) du sinus maxillaire et une exploration correctede sa paroi antérieure.

� Q uelles informations donnez-vous au patient ?

J’expliquerai au patient que la biopsie révèle une tumeurbénigne mais qu’elle n’est pas représentative de la totalité dela masse tumorale, qu’il existe dans 10 à 15 % des papillomesinversés, des lésions associées qui peuvent être plus« graves » mais que les données de son scanner et de sonIRM, quel que soit le type de la lésion, devrait permettre uneexérèse chirurgicale satisfaisante, à condition d’associer lesdeux ou trois voies d’abord décrites.Je lui soulignerai la nécessité d’attendre l’examen anatomo-

pathologique complet en coupe sériées de la pièce opératoirepour savoir si un seul traitement chirurgical serait suffisant ous’il faudrait envisager des traitements complémentairesultérieurement. Je resterai prudent et réservé sur le pronostic.

Enfin, en fonction de ses réactions devant la lourdeur dudiagnostic et du geste chirurgical, j’aborderai avec précautionles risques de complications, en soulignant la proximité et lanécessaire dissection des structures nobles voisines : l’œil et lenerf optique, l’étage antérieur de la base du crâne et lesméninges.

La description des risques ne doit pas faire fuir ce patient carchez lui, l’intervention est incontournable. Mais il fautégalement qu’il sache qu’il peut y avoir des complications etqu’il encourt des risques.

A. COSTELe diagnostic de papillome inversé est donc confirmé par

l’anatomopathologie sur une biopsie, ce qui ne permet pasd’exclure la présence de foyer(s) de carcinome épidermoïde. Ilme paraît néanmoins indispensable de traiter ce papillomeinversé en réalisant une exérèse complète et large avec examenanatomopathologique de toute la pièce opératoire.

À l’issue du bilan scanner et IRM, la lésion atteint toutl’ethmoïde droit, les sinus frontaux droit et gauche, l’ethmoïdeantérieur gauche. Le sinus maxillaire droit semble, lui, enrétention.

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Je proposerais donc à ce patient une exérèse par voiecombinée, endonasale et externe. La voie endonasaleconsisterait en une ethmoïdectomie radicale droite antérieureet postérieure avec méatotomie moyenne et a priori sanssphénoïdotomie sauf découverte opératoire d’extension à ceniveau, et à gauche, en une ethmoïdectomie antérieure radicaleavec méatotomie moyenne. Par radical, j’entends l’ablation detoute la muqueuse ethmoïdale et l’exérèse du cornet moyenavec résection à droite de la lame papyracée si elle apparaîtenvahie comme suspecté au scanner. Cette voie devraitpermettre une exérèse complète au large de la partieethmoïdale de la tumeur à droite comme à gauche, ainsi quede la partie basse de la tumeur frontale. Compte tenu del’extension importante aux deux sinus frontaux, une voieexterne associée me semble indispensable et je proposerais enfonction de l’implantation capillaire et du choix du patient, soitune double voie sourcilière, soit une voie bicoronale. Enfin, jepréviendrais le patient, qu’en cas de découverte peu probableperopératoire d’une atteinte massive du sinus maxillaire droit,une voie sous-labiale droite devrait être réalisée.

D’une manière générale, dans mon expérience, la voieendonasale est la voie de choix pour les papillomes inversés àlocalisation ethmoïdale et sphénoïdale, l’exérèse pouvant êtreétendue si nécessaire à la paroi orbitaire, à la voie lacrymale et à labase du crâne. Lorsqu’il y a une atteinte maxillaire, si elle n’est pastrop externe et/ou antérieure, la voie endonasale avec largeméatotomie moyenne associée éventuellement à une méatoto-mie inférieure ou surtout à une maxillectomie partielleendoscopique, permet un bon contrôle tumoral. En revanche,(intérêt majeur de l’IRM), s’il existe une extension externe dansun récessus malaire profond, une extension antérieure derrièrela paroi ou une lyse du plancher du sinus, je préfère associer unevoie sous labiale à la voie endonasale. Pour l’atteinte du sinusfrontal, si l’atteinte reste médiane, la voie endonasale trans-ethmoïdale associée si besoin à une exérèse du plancher frontalantérieur (intervention de Draf type II) permet dans la majoritédes cas une exérèse de qualité, mais je préviens le patient qu’encas de mauvais contrôle peropératoire de l’exérèse, il y a lapossibilité d’y associer une voie externe, dont nous déterminonstous les deux à l’avance la voie d’abord (sourcilière oubicoronale). En cas d’envahissement de la partie externe sus-orbitaire du sinus, une voie externe me paraît indispensable. Bienentendu, ces données doivent être adaptées à l’anatomie et à lataille très variables des sinus frontaux. Enfin, il convient de tenircompte de l’état général, des comorbidités et de leur impact surle risque anesthésique, ainsi que de l’acuité visuelle du patient.

Dans tous les cas, il est pour moi indispensable de confierl’ensemble de la pièce opératoire en anatomopathologie, etdonc de ne pas utiliser les instruments de type microdébrideurpour l’exérèse des papillomes. Il est bien rare et bien difficile depouvoir faire une exérèse en monobloc avec orientation de lapièce opératoire, mais au contraire, le caractère très friablede la tumeur, d’une part, les impératifs de la techniqueendoscopique, d’autre part, exigent dans la plupart des cas, uneexérèse avec fragmentation selon les sites anatomiques. Ilconvient impérativement de confier ces différentes piècesd’exérèse dans des flacons séparés et précisément étiquetés au

laboratoire d’anatomopathologie pour détecter avec précisionles localisations de foyers de dysplasie, voire de carcinome.

J’informe tout d’abord le patient sur la nature de sa lésion,sur son extension et sur les risques évolutifs (extensions,« dégénérescence »). Je lui explique que le seul traitementactuellement reconnu comme efficace est l’exérèse chirurgicalecomplète et large de toute la lésion. Je l’informe en détail sur leprincipe de l’intervention proposée, sur ses contraintes (duréeprévisible de l’anesthésie générale, du méchage, de l’hospita-lisation et de l’arrêt de travail, fréquence et durée des lavages etdes soins postopératoires, croûtes nasales postopératoires,interdiction de baignade en piscine jusqu’à cicatrisation) et surles risques opératoires (hémorragie, accident orbitaire avecrisque visuel, accident basicrânien avec risques méningés etcérébraux, infection sinusienne, anosmie, sténose frontale,dysesthésies frontales, séquelles esthétiques de la cicatriceexterne ou liées à une nécrose du volet) en insistant sur lecaractère exceptionnel des complications les plus graves et enles comparant aux complications qui pourraient survenir s’illaissait la tumeur évoluer.

QUESTION 5

Quelle est dans votre expérience :

� la fréquence des localisations bilatérales des papillomes

inversés rhinosinusiens ; � la fréquence des récidives des papillomes inversés

rhinosinusiens ?

� d ans les papillomes inversés de localisation ethmoïdale,

quelles sont les extensions pour lesquelles la chirurgieendoscopique endonasale exclusive ne permet pas de réaliserune exérèse tumorale satisfaisante et doit être complétée parune voie d’abord externe.

R. JANKOWSKI

� L a fréquence des localisations bilatérale des papillomes

inversés rhinosinusiens ;Je n’ai pas le souvenir d’avoir opéré un cas bilatéral

simultanément. Il me semble que la bilatéralité est exception-nelle.

� L a fréquence des récidives des papillomes inversés

rhinosinusiens ?Il me semble que la fréquence des récidives est directement

liée à une exérèse incomplète. L’anatomie sinusienne nepermet pas toujours des exérèses simples, mais il faut toujoursque le chirurgien se donne les moyens d’une exérèse la pluscomplète possible et la moins traumatisante ou iatrogène avecdes voies d’abord les plus dissimulées possibles ;

� D ans les papillomes inversés de localisation ethmoïdale

quelles sont les extensions pour lesquelles la chirurgieendoscopique endonasale exclusive ne permet pas de réaliserune exérèse tumorale satisfaisante et doit être complétée parune voie d’abord externe ?Les papillomes inversés du sinus maxillaire nécessitent un

abord couplé endonasal et par voie endoscopique de fossecanine, avec si nécessaire résection complète de la cloison

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R. Jankowski et al. / Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 125 (2008) 224–233230

intersinusonasale et du cornet inférieur et section de la voielacrymale. En cas de doute, cet abord endoscopique de fossecanine pourra être toujours être complété et élargi en voie deRouge Denker. L’extension au sinus frontal nécessite le plussouvent un abord par voie externe : soit par voie sourcilière sil’extension est relativement limitée ou s’il s’agit de vérifier quel’exérèse a été complète et d’obtenir des recoupes en tissu sain,soit par abord bicoronal de Cairns Unterberger qui permetindiscutablement la meilleure exposition d’un seul ou des deuxsinus frontaux, ainsi que du canal nasofrontal. La voieparalatéronasale ne me paraît justifiée que s’il y avait des signesd’envahissement de l’apophyse montante du maxillaire ou desvoies lacrymales ou encore un envahissement intraorbitaire.

A. COSTELes localisations bilatérales des papillomes inversés nasosi-

nusiens sont, dans mon expérience, très rares. Elles constituentnéanmoins une réalité qui rend le diagnostic plus difficile. Il estégalement possible de discuter comme nous l’avons fait ci-dessus, du caractère authentiquement bilatéral de la lésion, ou del’extensiond’un côté à l’autre comme je l’ai déjà personnellementrencontrée à deux reprises (un cas de « bilatéralisation »transfrontale, un cas transsphénoïdal). La fréquence des récidivesétait par le passé très élevée (de 40 à 80 %) probablement du faitde diagnostics tardifs (pas d’endoscopie, pas de scanner) etd’exérèses inadaptées et incomplètes type polypectomie. Ledéveloppement d’une chirurgie large par voie transfaciale aensuite permis de faire notablement chuter ces taux de récidives.Actuellement, le développementde l’endoscopie en consultationet celui de l’imagerie permettent des diagnostics précoces et lachirurgie endoscopique permet des exérèses larges souscontrôle de la vue. Ainsi dans la littérature, comme dans monexpérience personnelle, les taux de récidives oscillent entre 5 et10 %. Notons que si les récidives précoces (au cours des deuxpremières années) sont les plus fréquentes, des récidivestardives peuvent survenir.

Dans les localisations ethmoïdales, les extensions frontalesimportantes et latérales, ainsi que les extensions maxillairesexternes, inférieures et antérieures constituent, comme nousl’avons dit, une limite à la chirurgie endoscopique endonasaleexclusive. Bien entendu, des extensions importantes à l’orbiteet à la base du crâne sont également des limites à cette voied’abord, mais elles doivent avant tout faire remettre en cause lediagnostic et évoquer un processus tumoral malin.

QUESTION 6

Quelles modalités de surveillance préconisez-vousen raison du risque de récidive ? La prise en chargedes récidives des papillomes inversés nasosinusienspose-t-elle des problèmes particuliers : difficultéd’exérèse, voie d’abord. . .

R. JANKOWSKIJe propose à mes patients la surveillance suivante couplant

l’endoscopie et l’IRM :

� e xamen endoscopique de contrôle à un mois, puis tous les

quatre mois pendant un an, puis tous les six mois pendant

deux ans et à partir de la troisième année, un examenendoscopique annuel prolongé sur 20 ans ;

� u ne IRM de référence quatre mois après l’exérèse

chirurgicale, puis une IRM à un an, trois ans, cinq ans, dixans, 15 ans et 20 ans. La répétition des IRM ne comporteaucun risque d’irradiation et, par ailleurs, elle permet mieuxde visualiser une éventuelle récidive ;

� la prise en charge des récidives de papillomes inversés

nasosinusiens pose-t-elle des problèmes particuliers ?En effet, les récidives peuvent poser des problèmes d’exérèse

en fonction de leur localisation (exemple : corne externe du sinusfrontal, sphénoïde. . .), en raison également de la fibrose liée à lavoie d’abord initiale qui rend la dissection plus difficile, en raisond’une dégénérescence cancéreuse qui doit inciter à être encoreplus vigilant sur le choix de la ou des voies d’abord.

A. COSTELa surveillance des patients opérés d’un papillome inversé

nasosinusien est pour moi avant tout endoscopique, et c’estd’ailleurs un avantage de la chirurgie endoscopique que d’assurerune large ouverture des sinus impliqués, facilitant ainsi cettesurveillance. Généralement, je propose le rythme d’une con-sultation tous les quatre mois durant les deux premières années,puis de deux fois par an jusqu’à cinq ans et ensuite d’une fois paran. Dans les localisations frontales et maxillaires, ou lorsque lacicatrisation n’autorise pas un bon contrôle endoscopique descavités, l’imagerie (IRM plus que scanner) est nécessaire.

La prise en charge des récidives pose d’abord le problème deleur diagnostic. La récidive peut, certes, être évidente àl’endoscopie mais dans des cavités sinusiennes opérées, il n’estpas rare de détecter des modifications de la muqueuse avec desaspects de bourgeons charnus ou de polypes sans qu’il s’agissede récidive du papillome. L’imagerie, la répétition desendoscopies après traitement corticoïde ou surtout la biopsiepermettent alors de trancher. Sur un plan thérapeutique, lechoix de la voie d’abord se fait comme dans un cas de premièreintention en fonction de la topographie de la lésion et de sesextensions. Une récidive frontale ou maxillaire conduiracependant plus volontiers à une voie externe qu’en premièreintention. Les difficultés chirurgicales sont les mêmes que danstoutes les reprises chirurgicales au niveau des sinus et sont liéesau manque de balises anatomiques et aux remaniements osseuxet fibreux. La navigation assistée par ordinateur peut dans cescas être utile en complément de l’endoscopie.

QUESTION 7 : L’ASSOCIATION PAPILLOMEINVERSÉ – CARCINOME EST BIEN CONNUE :EST-ELLE FRÉQUENTE ? EXISTE-T-IL DESFACTEURS PRÉDICTIFS ?

Pour le cas présenté, quelle sera votre attitudethérapeutique si l’examen anatomopathologiquedéfinitif retrouve un carcinome associé aupapillome inversé

R. JANKOWSKI

� E st-elle fréquente ?
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Il me semble dans mon expérience, tout comme dans lalittérature, qu’elle se situe aux alentours de 10 %.

� E xiste-t-il des facteurs prédictifs ?

Je me méfie toujours des papillomes inversés récidivantset des patients fumeurs ou soumis à un tabagisme passifimportant. Dans ces deux cas, j’analyse l’imagerie avec encoreplus d’attention et je n’hésite pas, en peropératoire, àdemander des extemporanées si certaines zones meparaissent suspectes.

� P our le cas présenté, quelle sera votre attitude thérapeutique

si l’examen anatomopathologique définitif retrouve uncarcinome associé au papillome inversé ?

Si l’intervention chirurgicale ne permet pas de découvrirun envahissement intracrânien ou orbitaire non vu surl’imagerie et si je suis satisfait du caractère carcinologique demon exérèse, il n’y a pas d’indication à réintervenir. Jesoumets alors ce dossier à une réunion de concertationpluridisciplinaire en vue d’une radiothérapie complémentairequi sera décidée en fonction du siège, des limites et duvolume du carcinome associé au papillome inversé. Jemodifie, en revanche, ma surveillance postthérapeutique :� examen endoscopique tous les trois mois, pendant deux ans,

puis tous les quatre mois pendant deux ans supplémentaires,puis tous les six mois pendant deux ans supplémentaires etenfin tous les ans jusqu’à la vingtième année thérapeutique,� l’IRM de référence postthérapeutique est réalisée trois

mois après la fin de la radiothérapie, puis elle estrenouvelée annuellement pendant 20 ans.

A. COSTEL’association papillome inversé et carcinome épidermoïde

est bien connue et constitue un des grands risques dupapillome. Sa fréquence est très diversement rapportée dans lalittérature mais elle reste dans mon expérience inférieure à10 % des cas. Les données de la littérature ne permettent pas detrancher entre deux hypothèses : association de deuxpathologies (facteurs étiopathogéniques communs ?) oupapillome inversé dégénérant en carcinome.

Quoi qu’il en soit, nous ne disposons pas non plus de critèresprédictifs fiables. De nombreux travaux se sont pourtantattachés à retrouver ces critères, notamment au niveauanatomopathologique (index mitotique, immunomarquages avecindex de prolifération. . .). La présence de zones de dysplasie,surtout de grade sévère, doit certainement faire renforcer lasurveillance. Les critères cliniques doivent être pris en compte,notamment la « bilatéralisation » et les extensions extrasinu-siennes qui doivent faire évoquer le diagnostic de malignitécomme dans le cas présent.

La dernière question est sans conteste la plus difficile. Noussommes donc dans le cas où le papillome inversé a été retiré entotalité et au large et où l’examen anatomopathologique del’intégralité de la pièce opératoire montre un (plusieurs ?)foyer(s) de carcinome associé.

Une première manière de répondre serait de prévenir cegenre de situation, ce qui est loin d’être toujours possible.Devant des éléments de suspicion comme le caractère bilatéralou la lyse du plancher du sinus frontal, il faut certainement

prévoir des examens anatomopathologiques extemporanés,notamment sur les sites à risque définis par la clinique.Néanmoins, il est très difficile dans un papillome inversé trèsproliférant de pouvoir se prononcer avec certitude sur laprésence de carcinome dans les limites d’un examen extempo-rané. Si cette réponse est positive avec certitude, dans le cadredu cas présenté ici (lésion très étendue sans extension orbitairevraie ou à la base du crâne), je poursuivrais cependantl’intervention afin de disposer de l’intégralité de la pièceopératoire selon les modalités recommandées plus haut. Celapermettra, en effet, après examen définitif de savoir si le foyer decarcinome est limité à un site, ou s’il est multiple ou s’associe àdes plages nombreuses de dysplasie, nous ramenant ainsi à laseconde partie de la réponse développée plus bas. Dans le casfictif où il existe des extensions extrasinusiennes du papillome etoù l’examen extemporané montre la présence de carcinome, ilvaut mieux stopper l’intervention, et reconsidérer la stratégiethérapeutique dans une vision d’emblée carcinologique.

Dans la situation décrite, l’attitude thérapeutique dépendrapour moi du détail de l’examen anatomopathologique de toutela (les) pièce(s) opératoires et, bien entendu, de la discussionobligatoire du cas dans le cadre d’une réunion de concertationpluridisciplinaire après réalisation d’un bilan à la recherche delocalisations ganglionnaires et métastatiques :

� s i le foyer de carcinome est de type invasif et limité à une zone

anatomique sans foyers de dysplasie multiple par ailleurs, uncomplément de chirurgie large avec exérèse des paroisosseuses de la zone en cause sera proposé et une irradiationcomplémentaire discutée ;

� d ans le même cas, mais si le carcinome est déclaré in situ, je

discuterais volontiers d’une surveillance rapprochée ;

� s i le carcinome est étendu ou en foyers multiples ou encore

associé à de nombreux foyers de dysplasie, cela signe une« maladie dégénérative » de la muqueuse, qui doit fairediscuter une radiothérapie éventuellement combinée à unechimiothérapie, versus une chirurgie carcinologique large, icià type d’exérèse ethmoïdofrontale par voie mixte encollaboration avec l’équipe de neurochirurgie, suivie d’uneirradiation complémentaire.

1. COMMENTAIRES : P. VERDALLE

Le cas clinique exposé est un papillome inversé ethmoïdo-frontal droit avec extension au sinus frontal gauche.

Le papillome inversé nasosinusien est une tumeur carac-térisée par son extension locale, sa tendance à la récidive etl’association possible à un carcinome. Il s’agit d’une tumeur raredont l’incidence est de 0,2 à 0,6 cas/100 000 habitants. Ce casclinique permet de rappeler l’intérêt d’un bilan parfaitementcodifié par les experts afin de diminuer au maximum lesincertitudes lors du bilan préthérapeutique et lors de la prise encharge chirurgicale.

1.1. Question no 1

On note une petite divergence sur l’intérêt de la biopsie.A. Coste propose de réaliser un prélèvement pour le diagnostic

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histologique lors de l’acte chirurgical ou en préopératoireuniquement s’il existe des éléments suspects de malignité sur lescanner. R. Jankowski pratique une biopsie à visé diagnosticavant la réalisation d’une imagerie. Une attitude intermédiairepeut être proposée qui consiste à pratiquer la biopsie sousanesthésie locale après la réalisation du scanner et de l’IRM quipermet d’éliminer une tumeur vasculaire ou une méningocèlequi dans ce cas sont très peu probables au vu des constationsendoscopiques. Cette biopsie comme le mentionne un expertpermettra d’informer dans ce cas le patient du diagnostic maisne permet pas d’éliminer de façon formelle un carcinome sedéveloppant dans le papillome inversé.

1.2. Questions nos 2 et 3

En présence d’un processus tumoral nasosinusien, l’imageriedoit systématiquement associer un scanner et une IRM dessinus de la face. Ces deux examens apportent des informationstrès complémentaires et indispensables pour la prise en chargechirurgicale.

Le scanner permet de préciser les sinus concernés par lapathologie tumorale. Les auteurs font une descriptionextrêmement précise et exhaustive des aspects TDMévocateurs d’un papillome inversé.

La lyse des septa de l’ethmoïde et la présence d’unecalcification sont en faveur d’un papillome inversé. Unesthésioneuroblastome peut aussi présenter des calcificationsmais le respect de la fente olfactive a priori n’est pas en faveurde ce diagnostic.

Les papillomes inversés peuvent entraîner une lyse osseuseau niveau des parois de sinus. On retrouve ici un aspect de lyseau niveau de la paroi interne de l’orbite et au niveau du plancherdu sinus frontal droit. Cette lyse doit inciter à la prudence maisn’est en aucun cas un argument formel en faveur d’uncarcinome. Ce patient présentait un papillome inversé sanscarcinome associé.

L’IRM doit systématiquement comprendre des coupesaxiales et coronales en séquence T1, T1 gadolinium avecannulation des graisses et T2. Cet examen présente un intérêtdouble : préciser l’extension endo- et extrasinusienne de cettetumeur et différencier la tumeur d’une éventuelle rétentionliquidienne, ce qui est très important pour la voie d’abordchirurgicale, en particulier pour les papillomes inversésethmoïdaux avec un doute sur une éventuelle extension ausinus frontal.

� L es séquences pondérées T2 dans ce cas permettent de

retrouver un processus tumoral ethmoïdofrontal droit quiest hyposignal. Il existe un aspect typique de rétentionliquidienne (hypersignal) au niveau de la partie très latérale dusinus frontal droit et un signal d’aspect intermédiaire auniveau du sinus maxillaire gauche en faveur d’une rétention.

� L a séquence T1 gadolinium avec annulation de graisse révèle

un rehaussement hétérogène de la tumeur après injection dugadolinium au niveau ethmoïdal et frontal droit et frontalgauche. Le rehaussement uniquement en périphérie au niveaudu sinus maxillaire droit est en faveur d’une rétention auniveau du sinus maxillaire droit.

� L

es deux auteurs s’accordent sur l’interprétation des imagesdu côté droit. Le processus occupant noté au niveau du sinusfrontal gauche présente les mêmes caractéristiques IRM auniveau de son compartiment médial que du coté droit. Ils’agissait d’une extension du papillome inversé frontal droitétendu au sinus frontal gauche par la cloison intersinusiennefrontale.

1.3. Questions nos 4 et 5

Le scanner et surtout l’IRM permettent de réaliser un biland’extension fiable des papillomes inversés et de définir unetactique opératoire qui est rarement prise en défaut.

Les deux auteurs proposent la même tactique opératoirepour ce cas clinique et exposent de façon extrêmementprécise l’attitude thérapeutique à adopter pour les papillomesinversés ethmoïdaux avec extension au sinus frontal en accordavec la littérature récente. C’est souvent l’extension de latumeur au sinus frontal qui pose le plus de problème aupraticien.

La tactique opératoire qui repose sur l’imagerie doit êtreparfaitement planifiée et le patient informé des voies d’abordcombinés qui dans ce cas clinique sont nécessaires.

Actuellement on peut considérer qu’il n’existe plusd’opposition entre les partisans des voies externes transfacialeset des voies endoscopiques pour l’exérèse des papillomesinversés. Ces voies d’abord comme l’illustre ce cas clinique sonten fait complémentaires.

La voie endoscopique permet généralement de traiter lespapillomes inversés qui se développent au niveau de l’ethmoïdeet du sphénoïde et éventuellement les extensions très limitéesà la partie inférieure du sinus frontal.

En cas d’extension massive au sinus frontal comme dans lecas présenté, un abord externe du sinus frontal s’impose.Dans ce cas, l’atteinte bilatérale probable des deux sinusfrontaux nécessite un abord externe des deux sinus frontauxpar voie de Cairn Unterberger ou bisourcilière en fonctionde l’implantation de la racine des cheveux et de l’avis dupatient. En cas d’extension unilatérale au sinus frontal, unevoie sourcilière est suffisante, mais le patient doit êtreinformé des avantages et inconvénients des deux voiesd’abord.

Il est très important de bien connaître les extensions de latumeur pour lesquelles la voie d’abord endoscopique serainsuffisante. Il s’agit du sinus frontal comme nous venons de levoir mais aussi de certains zones du sinus maxillaire.

Les deux auteurs proposent un abord externe à minima dusinus maxillaire, associé à une biméatomie en cas d’extensionmassive au sinus maxillaire, mais aussi vers des zonesdifficilement accessibles par voie endonasale exclusive, enparticulier à la paroi antérieure et les récessus malaire etorbitaire du sinus maxillaire.

Le point de départ des papillomes inversés se situe souventau niveau de la membrane schneidérienne au niveau de la paroiexterne des fosses nasale. Il est nécessaire de réaliser uneexérèse large à ce niveau comme le préconise les deux auteursavec, dans ce cas, nécessité de réaliser l’exérèse de la cloison

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R. Jankowski et al. / Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 125 (2008) 224–233 233

intersinuso-nasale et probablement du cornet inférieur droitqui semble en IRM être concerné par la tumeur.

Le « tout endoscopique » n’est pas donc toujours réalisablepour ces tumeurs et dans certains cas qui sont très bienprécisés par les deux auteurs, il est nécessaire d’informer lepatient en préopératoire de l’éventualité d’un abord externedans le but de garantir une exérèse tumorale complète, enparticulier au niveau du sinus frontal et parfois du sinusmaxillaire. Grâce à l’imagerie moderne, il est possible deréaliser un bilan d’extension fiable qui permet de réaliser enpréopératoire une planification fiable du geste chirurgical.

A. Coste souligne un point de technique chirurgicaleimportant : la nécessité d’une analyse histologique de la totalitéde la tumeur pour éliminer un carcinome associé contre-indique l’utilisation du microdébrideur.

1.4. Questions 5, 6 et 7

Les papillomes inversés bilatéraux sont rares. Dans ce cas, ils’agissait initialement d’un papillome inversé ethmoïdofrontaldroit qui s’est étendu au sinus frontal gauche par la cloisonintersinusienne frontal. Il ne s’agit donc pas ici d’un papillomebilatéral.

Les récidives surviennent dans 5 à 10 % des cas. Le patientdoit être informé de la nécessité d’une surveillance endosco-pique et IRM au long cours dont la séquence est parfaitementexposée par les auteurs. Le scanner n’est pas un examenperformant pour la surveillance d’un processus tumoralsinusien.

L’association papillome inversé carcinome est de l’ordre de10 %. Comme le précise les deux auteurs, la conduite à tenir estbien sûr fonction de la taille du carcinome.

En de carcinome limité au sein du papillome inversé sil’exérèse paraît complète le traitement chirurgical peut êtresuffisant.

S’il s’agit d’un carcinome plus étendu ou avec de multiplesfoyers comme le précise A. Coste, un traitement complémen-taire doit être rediscuté qui consistera soit en une reprisechirurgicale complétée d’une radiothérapie, soit en uneradiothérapie exclusive.

Dans tous les cas le dossier doit être présenté en réunion deconcertation pluridisciplinaire en oncologie.

RÉFÉRENCE

[1] Melroy CT, Brent A. Benign sinonasal neoplasm: a focus on invertingpapilloma. Otolaryngol Clin N Am 2006;39:601–17.