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Alice BERTIN MATIERE(S) DE VILLE

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Juillet 2015 - Rapport de Projet de Fin d'Etudes - Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Nantes - Studio de projet "Borderline" Alice BERTIN

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Alice BERTIN

MATIERE(S) DE VILLE

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Alice BERTIN

MATIERE(S) DE VILLE

Rapport de Projet de Fin d’Etudes _ Ensa NantesSous la direction de S.Guth et R.RousseauJuillet 2015

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SOMMAIRE

3 _ Avant Propos

5 _ Borderline

9 _ Introduction

11 _ Postulat Des Grisons à la Loire

17 _ Exploration Voyage au coeur de l’île Feydeau

35 _ Mise en action Aller-retour entre l’île et la ville

41 _ Epilogue

43 _ Médiagraphie

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AVANT-PROPOS

Ce rapport présente le cheminement d’une recherche, d’une exploration, à la fois architecturale et personnelle.

A la suite de trois années nantaises, ainsi qu’une parenthèse espagnole, cette dernière étape du parcours à l’Ensa est une période d’incertitudes. Je suis partagée entre une impression d’accomplissement, et le sentiment d’inachevé.

Loin de concevoir le diplôme comme bouquet final d’un parcours bien ficelé, j’ai surtout cherché à trouver ma propre ligne directrice. Si l’école nous a ouvert un certain nombre de portes, le chemin à suivre n’est pas tracé. Arrivant en dernière année, la question de l’après se fait de plus en plus oppressante. J’avais l’impression qu’il fallait savoir, là, maintenant. Je me dis aujourd’hui que la recherche de cette voie sera plus ou moins incessante, puisque c’est elle qui nous fait avancer.

L’envie de réaliser ce travail de “recherche-action” proposé par Borderline était motivée par une certaine quête de dépassement, d’un besoin d’aller plus loin. Le travail que nous avons mené tout au long du semestre fut le prétexte au questionnement ; sur l’architecture, l’architecte, la culture, l’histoire, la ville, la construction, la politique... et sur la place que nous nous donnerons ensuite.

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Le projet architectural comme posture critique et recherche en actionLa frontière comme méthode / Penser l’impensé / Désobéir à la limiteUE 8.1/10.1 (DE 1)

Equipe enseignante

Sabine Guth et Romain Rousseau (co-direction)Emmanuelle Huynh et Kantuta Quiros.

Contexte pédagogique 

Le domaine d’étude 1, La condition métropolitaine, constitue l’assise méthodologique de ce studio de projet. L’enjeu est l’élaboration d’une critique du « conditionnement » des acteurs et des logiques de projet à l’œuvre dans la métropole (cultures professionnelles, idéologies, modèles, rapports de forces, lobbys, normes, marketing…) et des formes architecturales et urbaines qui en résultent (banalisation, uniformisation, ségrégations…).Cette approche critique développée dans ce domaine d’étude définit le cadre dans lequel sont expérimentés des processus de projet capables de saisir et dépasser ces « conditionnements », et, plus largement, d’appréhender les enjeux historiques de rupture et de transition qui modèlent ce que nous voyons de l’architecture et de la ville contemporaine (urbains, énergétiques, écologiques, économiques, démographiques, circuits économiques et pouvoirs, auteur et co-conception, règles et loi, habiter / participer / négocier, forme/dispositif,…)

Objectifs pédagogiques

Si le studio de projet s’inscrit dans une approche résolument transdisciplinaire, l’objet de notre exploration est le projet architectural

(1) Extrait du livret de l’étudiant 2014-2015, Ensa Nantes

BORDERLINE (1)

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et urbain. Celui-ci sera travaillé dans sa capacité à condenser des échelles multiples et des questions parfois contradictoires. Il sera développé dans un état d’esprit de dévoilement des modes de productions actuels de l’architecture et de la ville, tout autant que comme un projet de recherche. En ce sens, il ne s’agira pas de répondre explicitement à une demande de type professionnalisant ou de type agence, mais plutôt de mener une investigation prospective (le projet comme recherche et expérimentation permanente, construisant au sens propre comme au sens figuré ce sur quoi il agit : les attendus et la nature des transformations qu’il vise mais aussi les moyens et les outils qui soutiennent et servent son action).Dans cette hypothèse, peuvent être proposées des formes de recherche expérimentales, en mobilisant des méthodologies d’écriture, d’enquête et de restitution du savoir issues de modèles artistiques et de la figure de l’artiste en chercheur (figure de « l’artiste en », en enquêteur, en anthropologue, en ethnographe, en topographe, en historien, en détective), ainsi que des protocoles d’auto-expérimentation.

Méthode

Pour les étudiants S10 (Master 2), le travail de mémoire de master réalisé dans les semestres précédents constitue un prérequis, quelque soit le séminaire de mémoire dans lequel il a été réalisé. La méthode proposée est celle de la mise à l’épreuve : d’un travail déjà réalisé par l’étudiant, de la dimension projective d’une question issue du travail de mémoire, et d’un positionnement de l’étudiant dans le travail de projet.Cette mise à l’épreuve, ou relecture des composants classiques du processus de conception du projet en cycle master, prend appui sur un triple protocole d’interrogation :

- La frontière comme méthode [décentrement du regard, donc le questionnement + Etre borderline de sa discipline pour travailler avec les autres] ou envisager la frontière comme espace physique et imaginé, comme lieu de passage, de traduction, d’entre-deux, et comme une occasion singulière de production de savoirs

- Penser l’impensé [situations qui apparaissent négligées ou en creux de la fabrication de la ville - angles morts de l’architecture et

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de l’urbanisme, hors champs des habitudes de production du projet, de ses règlementations, de son cadre marketing]

- Désobéir à la limite [remettre en cause les cadres juridiques pour revenir à l’esprit de la loi, inventer des ruses et des détournements, jouer l’ambiguïté, hybrider le générique et le théorique]

Organisation du studio de projet

- Phase 1 : À partir du travail de mémoire réalisé, l’étudiant s’attache à déployer de manière individuelle un programme/question (une problématique et une programmation comme objet d’étude de cette problématique)Même si le travail de mémoire s’est attaché ou s’attachera à l’étude d’un site extérieur, le programme/question est obligatoirement resitué dans la métropole nantaise.- Phase 2 : À partir de la double approche d’un état de l’art précis et documenté et de premières intuitions formelles, le programme/question est mis à l’épreuve du protocole d’interrogation du studio de projet : La frontière comme méthode / Penser l’impensé / Désobéir à la limite.- Phase 3 : Reformulation critique de la problématique dans la projection d’un dispositif / d’une forme architecturale ou urbaine qui puisse condenser les diverses occurrences de la question posée.L’articulation des positionnements théoriques, critiques et formels issus de la problématique déployée constitue le travail de PFE pour les étudiants de S10.

Attendus 

À la fin du studio de projet, l’étudiant aura su mobiliser son travail de mémoire vers une problématique de projet.Il aura su identifier et proposer un territoire d’étude en cohérence avec sa problématique de projet.Il aura su articuler de manière critique les acquis du mémoire, la définition de son territoire d’étude et les questions architecturales et urbaines contemporaines.Il aura su initier un travail de recherche-action par le projet d’architecture.

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INTRODUCTION

C’est le lien entre le lieu et la production du projet architectural que j’ai cherché à explorer au cours de ce travail. Le lieu, outre ses caractéristiques spatiales, est une combinaison de facteurs propres à un endroit. De différentes natures, à la fois géographiques, historiques ou sensibles, les spécificités du lieu impliquent aussi le rapport de l’Homme avec le territoire. En occupant le lieu, nos constructions agissent alors sur lui, que ce soit spatialement ou en terme d’ambiance. C’est en relevant ce qu’il offre de particulier que nous pouvons mettre en adéquation le lieu et l’architecture, recherchant une atmosphère.Le fait d’intégrer tous ces paramètres du contexte, ces matières qui le caractérisent, est pour moi le moyen d’obtenir ensuite un contenu et une forme durables. Si les temporalités d’un lieu sont multiples, la longévité de l’architecture en son sein est aujourd’hui un véritable enjeu.

“Le génie du lieu, c’est sa capacité de passage, ou de transit, d’une identité à l’autre.” (1)

Ce rapport s’articule autour de trois parties, chronologiques et résultantes des différentes étapes de prospection. La première intitulée Postulat, ou Des Grisons à la Loire, retrace la transition entre le travail de mémoire et la recherche d’une problématique propre à ce travail de projet. La deuxième partie, Exploration ou Voyage au cœur de l’île Feydeau, correspond à toute la première phase de recherche in situ. Et enfin, la dernière partie Mise en Action, ou Aller/Retour entre l’île et la ville, pose les enjeux soulevés par le projet dans le prolongement de la vision proposée dans la deuxième partie.

(1) CACHE Bernard, 1997

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Le travail de mémoire réalisé le semestre passé était basé sur l’étude de la production architecturale de Peter Zumthor, et centré sur la problématique suivante : comment Peter Zumthor parvient-il à transformer une réalité matérielle en une sensation architecturale unique, conférant à ses édifices ce caractère particulier ? Au départ, le choix de ce sujet était motivé par l’envie de mieux comprendre ce que je ressentais au travers de cette architecture, que je qualifiais de particulière. Elle apparaissait différente à mes yeux, originale comme quelque chose jamais réalisé de cette manière auparavant. Puis, petit à petit, le cœur du sujet s’est tourné vers la compréhension de la manière dont il produit ces espaces. J’ai alors abordé des thèmes relevant de l’idée du lieu, des enjeux liés au contexte, et de la mise en œuvre du projet. J’ai alors découvert une production architecturale forte de son imprégnation du contexte et du travail de la matière. C’est justement la relation qu’entretient Peter Zumthor avec le lieu qui m’a le plus marqué.

Retour sur mémoire

Le rapport que Peter Zumthor cultive avec le territoire est tout d’abord lié à son amour pour les paysages suisses, et à sa connexion avec sa région d’origine. Peter Zumthor, dont les principes architecturaux sont issus de la modernité, trouve son inspiration au travers d’ambiances fortes et ciblées, et se nourrit du local pour créer ses bâtiments. La poésie et les savoir-faire qu’il trouve dans ces lieux où il construit sont autant de sources potentielles d’inspiration.

Ci-contre : La chapelle St-Benedict, Sumvitg, Peter Zumthor, 1985source : DURISCH Thomas, 2014

Postulat

Des Grisons à la Loire

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La question du processus de construction du projet, de la manière dont les choix s’établissent, relève des caractéristiques portées par le contexte. Celui-ci comprend le site comme espace physique, mais aussi le programme, les enjeux liés à celui-ci, les acteurs impliqués... Finalement, cela se traduit par l’expression de ces spécificités dans l’oeuvre bâtie, l’inspiration du vernaculaire et la reprise de savoir-faire locaux.

Mais si cette insertion dans le contexte s’établit dans une certaine continuité du lieu (matériaux, formes...), elle assume aussi une différenciation avec celui-ci. Peter Zumthor étant considéré comme relevant du Régionalisme critique (1), il se nourrit du contexte pour concevoir son architecture sans néanmoins oublier la modernité dans laquelle il s’inscrit. Il s’applique à lire le contexte de manière sincère, à en comprendre les caractéristiques, afin d’en révéler les forces dans l’architecture créée. Celle-ci apporte alors une nouvelle relecture du lieu, en le modifiant intrinsèquement.

Aussi, Peter Zumthor cherche à transmettre des ambiances fortes au travers de son architecture. Celles-ci, inspirées de son expérience du lieu et de souvenirs personnels, sont transmises par la tectonique de la matière utilisée. A même d’employer des matériaux très différents, il les utilise toujours pour ce qu’ils offrent de particulier. Il s’intéresse aux caractéristiques physiques et sensibles, autant qu’à la mise en œuvre de ceux-ci. En effet, c’est la façon dont la matière sera agencée qui lui conférera un caractère sensible particulier. Cette double réalité physique du mur reflète la considération de cet élément comme une structure, tout autant que comme support d’expression, elle-même inspirée de la lecture du contexte.

Cette dualité d’action entre le lieu et le projet, l’impact de l’un sur l’autre, est pour moi un enjeu majeur de l’architecture. Les spécificités de chaque lieu sont autant de points d’accroche du projet qu’il faut identifier. Le lieu est matière à créer le projet. C’est pourquoi j’ai souhaité poursuivre ce travail de recherche, liée au projet, au travers de ces deux notions clés : le lieu et la matière.

(1) Le Régionalisme critique est une classification soulevée par Kenneth Frampton en 1983, qui revendique une architecture utilisant la force du contexte.

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Transposition problématique

La transposition entre l’analyse du travail de Peter Zumthor et la problématisation d’un travail de projet dans la métropole nantaise fut premièrement quelque peu confuse. Ayant réalisé un travail monographique, il a fallu trouver une question liée à la notion de lieu, toute en développant mon propre processus de travail. La recherche du site fut finalement la composante primordiale du développement de la problématique.

Bien que l’architecte suisse s’inspire de paysages majoritairement ruraux qu’il connaît bien, ce n’est pas le cas du contexte d’étude dans lequel s’inscrit mon projet. J’ai souhaité travailler dans un lieu urbain, en coeur de ville, dont l’identité est actuellement menacée. En effet, la notion de lieu, liée à l’environnement urbain, est aujourd’hui compromise par une généralisation de la production architecturale induisant une perte de ses particularités. La mondialisation transforme l’objet architectural en un élément de consommation, obsolète dès lors que la demande évolue. Les propriétés de cette architecture de masse sont lissées : elle est déconnectée de son environnement, et ses caractéristiques produisent des lieux uniformes aux caractères semblables. Il est alors bien difficile de retrouver ces accroches contextuelles dans lesquelles Peter Zumthor s’inscrit.

Je traduirais les spécificités du lieu comme les matières qui composent la ville : la culture, l’histoire, le paysage, la société, les techniques, les matériaux, les flux, et bien d’autres. Ce sont ces matières qui forment les “couches” du contexte. C’est là l’essence de la ville.

Cette expression de la spécificité du lieu est en fait une réalité qu’il faut percevoir et exposer à travers l’architecture créée : c’est une poésie du lieu. Si la poésie est en littérature l’expression de la

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réalité par les mots, elle est révélée en architecture par la matière. Plus que cela, c’est la manière dont elle est mise en œuvre qui lui donne son sens poétique.En architecture, l’espace est cette matérialité des choses dont les propriétés définissent l’atmosphère, le caractère du lieu. Il peut être défini par un mur, un sol, un toit, ou bien plus généralement par les composantes d’un territoire si l’on ne parle pas de bâtiment. Produire une architecture conduit finalement à la modification du lieu dans ce qu’elle propose de physique et de sensorielle: une identité. L’atmosphère du lieu, dans sa signification poétique, requiert que la structure de celui-ci corresponde aux spécificités de celui qui l’habite, mais aussi à celles du milieu dans lequel elle s’inscrit.

Et si créer une architecture revient à construire un mur, comme élément qui compose l’espace, celui-ci est alors à la fois la limite et l’union entre le magma de la ville et l’espace privé. La masse qui compose cet élément à la dualité contradictoire, est une relation à créer entre la matière et le lieu.

La question serait alors comment construire un mur qui donne du sens à un lieu, qui le singularise, le caractérise ? Ou plutôt, comment révéler ce caractère qui préexiste dans un site, dans sa matière ?

Ci-contre : Kolumba museum, Cologne, Peter Zumthor, 1997 Photo personnelle

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PLAN GENERAL

1 Ile Gloriette / 2 Esplanade de la Petite-Hollande / 3 Square J.B.Daviais / 4 La Bourse / 5 Place du Commerce / 6 Ile Feydeau / 7 CHU / 8 Ile de la Saulzaie / 9 Carré Feydeau / 10 Place du Bouffay / 11 Cours des 50 Otages / 12 Place Royale / 13 Place Graslin

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Le site sur lequel j’ai choisi de travailler, ce lieu à investir, est le square Jean-Baptiste Daviais, dans le centre de Nantes. Ce site présente un caractère patrimonial et symbolique fort de la ville : il est situé à l’extrémité ouest de l’île Feydeau, un des lieux emblématiques de Nantes et de son histoire. Mais c’est aussi le lieu qui ferme, en sa partie est, l’esplanade de la Petite-Hollande. Cet espace est quand à lui porteur d’un caractère de résistance fort, lié aux nombreuses fonctions et occupations du site. L’esplanade correspond à un bras de Loire comblé, et n’est spatialement structuré que par les voiries qui découpent l’espace.

Contexte d’étude

L’île Feydeau est un site riche d’histoire, dont les multiples mutations ont modifié la position urbaine. Depuis son état initial jusqu’à aujourd’hui, les limites de l’île ont varié au cours du temps.

Initialement, l’île Feydeau était un banc de sable accolé à l’île de la Saulzaie. Celle-ci est un faubourg médiéval bâti sur un amas rocheux, où prennent appui deux ponts menant au cœur de la ville. Au XVIIIème siècle, le projet de construction d’un lotissement, sur les terrains sablonneux situés en prolongement, est lancé. Les vingt quatre immeubles érigés sont des hôtels particuliers ou des immeubles de rapport servant aux riches armateurs commerçant dans le port de Nantes. Cette position stratégique, proche de la ville intra-muros, et avec une situation idéale sur la Loire, leur permet d’avoir un accès direct aux quais. L’île Feydeau s’établit comme un haut-lieu du commerce nantais de l’époque.

Exploration

Voyage au coeur de l’île Feydeau

Ci-contre : Plan général et lieux notables

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(1) ASENSIO Francisco, 2006.

Ci-contre : Vues aériennes de l’île Feydeau depuis la “proue” ouest sources : site internet http://delcampe.net / TREUTTEL J.J., 1997 / site internet http://baloon-photo.com

Cette séparation avec le centre historique de Nantes, jusqu’alors considérée comme un atout, prend fin au milieu du XXème siècle. Les célèbres comblements de la Loire, de la pointe de l’île Gloriette jusqu’au château, rattacheront physiquement l’île au reste de la ville, remplaçant l’eau considérée insalubre par de larges bandes d’asphalte. L’arrivée de l’automobile, dans les années 80-90, reconstituera une mise à distance de l’île, la transformant en un véritable rond-point urbain. Le cheminement d’une “rive”, ou d’un trottoir, à l’autre devenant plus laborieux qu’à l’époque des ponts.

Le cours Olivier de Clisson, entre le lotissement Feydeau et le faubourg de la Saulzaie, est finalement le seul axe qui semble lier l’île à la ville. Cette ouverture due aux bombardements de la deuxième guerre, devient le prolongement “naturel” du tracé du cours des Cinquante Otages. La ligne de tramway nord-sud s’installe au niveau de cet axe, et connecte les anciennes rives nord et sud de la Loire en passant par l’île Feydeau.

Aujourd’hui, cet élément patrimonial toujours appelé “l’île” Feydeau, est présenté comme un paysage historique à valoriser. Une politique publique liée à l’accessibilité piétonne et aux modes de transports doux a eu pour effet de requalifier le rapport de l’île avec le reste de la ville.

Les traces de la Loire disparue se retrouvent dans les limites de l’île, traitées par les urbanistes Bruno Fortier et Italo Rota dans les années 90. Le duo prône une ”conception en fonction de l’histoire propre à ces espaces et de leur relation à celle de la ville dans son ensemble” (1). Dans la continuité du réaménagement du cours des Cinquante Otages, les abords de l’île sont réaménagés. La présence des quais du XVIIIème siècle est récupérée par la (re)création de larges bandes piétonnes en pied de façades, et par la mise en place de “douves vertes”, faisant écho aux eaux enfouies. Ces larges espaces verts redonnent son caractère insulaire à l’île, l’eau en moins, grâce à ces nouveaux “quais”. Les politiques hygiénistes

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qui enfouirent l’eau insalubre cèdent le pas à la tendance nouvelle de la “ville verte”.

Les limites de l’île alors redéfinies, la ville s’emploie à prolonger sa mise en valeur : un programme mixte de logements/commerces vient remplacer le parking silo Neptune situé à son extrémité Est. Le nouvel édifice, le Carré Feydeau, tente de donner une proue à cette île. L’ensemble est hermétique, et bien que faisant face à la place du Bouffay, il est sans accroche contextuelle, puisque même les rythmes de façade ne comprennent pas les compositions historiques alentours. Les partis-pris modernes écartent une nouvelle fois l’île de son environnement. Si la finitude de l’île prenait sens, quand sa position naturelle lui valait d’être une entité à part entière, celle-ci peut aujourd’hui être remise en question.

Dans ce sens, le projet d’aménagement urbain “De la gare à la Loire” travaille sur l’organisation de ce couloir urbain né des comblements. Aujourd’hui, les zones vertes autour de la pointe Est de l’île, ainsi que la promenade le long du tramway, au niveau du Bouffay ont déjà été effectuées. La réalisation du miroir d’eau en face du Château des Ducs est actuellement en cours et celui-ci devrait être livré courant 2015. Un concours pour la construction d’une nouvelle gare à aussi été lancé. L’étape suivante devrait être le réaménagement de la zone de Commerce, dans la continuité des travaux réalisés sur les voiries du Bouffay. Et enfin, pour terminer le parcours “De la gare à la Loire”, c’est toute la zone de la Petite-Hollande qui est à réinventer.

Cet espace de plus de huit hectares est informel, et sa (non)structuration résulte plus des tracés de voiries que d’un réel travail in-situ. Symbole de la contestation nantaise, il est souvent le lieu de rassemblement - et de débordement - en fin de manifestations. Mais il accueille aussi le marché le plus fréquenté de la ville, le marché de noël alternatif, la soupe populaire, le bus de la Croix-Rouge... et des évènements culturels comme les géants de Royal de luxe. D’un autre côté, l’esplanade de la Petite-Hollande a une position urbaine majeure : grand espace vide en bord de fleuve, directement axé vers Saint-Nazaire et la mer, c’est en quelque sorte le symbole du rapport entretenu entre la Loire et la ville.

Ci-contre : Projet d’aménagement“De la gare à la Loire”

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Les terrains pris sur l’eau n’ont normalement pas vocation à être construits. En effet, lors des comblements, l’Etat pose ses conditions à la réalisation du projet : si il cède ces espaces fluviaux à la ville de Nantes, ils ne pourront être bâtissables ensuite. Ils étaient donc seulement destinés à un usage d’espace public. Aujourd’hui, le souhait de réaménagement de l’esplanade est couplé avec la volonté de développement de l’attractivité commerciale du centre de Nantes (qui recule devant les zones périphériques comme Atlantis). Voyant en ces terrains une véritable manne foncière, Nantes Métropole propose donc la construction d’un centre “commercial et culturel” donnant sur la Petite-Hollande. Ce projet, largement contesté par les occupants du lieu (commerçants du marché, défenseurs du patrimoine, altermondialistes...), viendrait reproduire une sorte de proue comparable à celle du Carré Feydeau à l’ouest de l’île.

C’est en constatant tous ces enjeux liés à cette partie de Nantes que j’ai choisi de travailler au niveau du square Jean-Baptiste Daviais. Cet espace, d’environ 3 000 m2, était autrefois l’éperon aval de l’île Feydeau, au niveau duquel se situait un pont reliant l’île à la place de la Bourse. En 1802, un établissement de bains est édifié à cet endroit ; il sera remplacé en 1867 par un marché couvert, le “marché de la Petite-Hollande”. Ce nom est tiré de la présence de nombreuses péniches hollandaises, délivrant leurs marchandises sur les quais situés en contre-bas. L’histoire de son édification est complexe : celui-ci était très peu aimé des nantais, à qui on l’avait imposé “en échange” de celui de la place du Bouffay. Un chantage politique s’engage alors, afin que les riverains occupent le lieu s’ils souhaitent un jour retrouver l’ancien marché. Finalement, l’édifice sera démoli pour cause d’insalubrité en 1932. Aujourd’hui, cette activité se déroule sur l’esplanade. Dans un même temps, le square de la Petite-Hollande est dessiné par l’architecte de la ville, Etienne Coutan. Il est nommé “Square Jean-Baptiste Daviais” en 1946.

Ci-contre : Les différentes constructions de la pointe ouest de l’îlesources : BIENVENU Gilles, 1992 / Archives municipales Nantes / http://rikostnaz5.blogspot.fr

Pages suivantes : Perspective Sud de l’île et Prises de vue internesPhotos personnelles

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Les bains

Les haLLes

Le square

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Aujourd’hui positionné entre deux tissus urbains diamétralement opposés, il n’est ni un lien ni une barrière : il est comme une entité à part, peu utilisé, et avec parfois une mauvaise réputation. Si l’oeuvre du XXème siècle possédait sans nul doute des qualités, le square est maintenant délaissé au profit d’usages qui s’exportent sur son pourtour.

Le questionnement quant à la position urbaine de ce lieu, entre l’île Feydeau et l’esplanade de la Petite-Hollande, ainsi que les enjeux mis en exergue par sa possible construction constituent les bases de mon projet. A Nantes, l’emplacement ainsi que la valeur patrimoniale que représente ce site pose la question de son rapport à la ville.Je me propose donc de travailler sur les limites oubliées de cette île, qui n’en est finalement plus une. Le projet serait de réinventer le paysage de l’île Feydeau dans sa relation avec la ville et avec la Loire, dans ce lieu stratégique qu’est le square J.B. Daviais. Les épaisseurs temporelles qui constituent la mémoire de ce lieu, et la poésie que ce dernier renvoie, seront l’occasion de travailler sur la place du sensible dans un morceau de ville.

Processus de recherche

Le projet est finalement une connexion, entre l’ordre de Feydeau et l’indéfini de la Petite-Hollande, au travers d’un dispositif de mise en relation de ces deux lieux très contrastés. Le propos n’est pas simplement la connexion, mais la révélation d’un contexte, entre une architecture historique à préserver et un espace qui reste à inventer. La question est alors de savoir de quelle manière vient-on voir et créer cette identité du lieu ?

Dans cette idée, le protocole de recherche vise à l’étude des spécificités, c’est-à-dire des matières de l’île Feydeau. Bien qu’ayant régulièrement pratiqué ce lieu durant mes années à Nantes, je l’ai exploré à la manière d’une investigation de l’espace. J’ai voulu le (re)découvrir au travers des sensations qu’il dégage, mais aussi de la manière dont j’éprouvais et interprétais ces signaux. Je souhaitais essayer de transcrire une atmosphère propre à ce site, traduisant

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un ressenti et une poésie particulière. Tout comme Peter Zumthor s’inspire des souvenirs de son enfance ou d’images dont il perçoit l’ambiance, j’ai cherché à identifier ce à quoi me renvoyaient ces sensations. Ensuite, il faut comprendre quels sont les paramètres spatiaux qui provoquent ou permettent cela, comment la tectonique des matériaux opère-t-elle ?En plusieurs étapes, j’ai tout d’abord procédé à la phase “Percevoir / Saisir / Transcrire” et réalisé deux livrets de prises de vues sur site. Cette méthode m’a aidé à trier et cibler les points sensibles spécifiques de l’île Feydeau. Celle-ci fut alors véritablement reconnue comme matrice de création.

Cette enquête m’a permis de relever les indices opérants du lieu, éléments qui viendront ensuite structurer le développement du projet. Ces indices sont les pistes desquelles je suis partie pour ensuite adopter une position projectuelle.

La “toise” de Feydeau : c’est la dimension de base d’un des quatre îlots du lotissement. Cet élément est défini par le tracé des quais externes et des rues internes. Sa dimension est de 105 x 35 mètres. Un îlot est ensuite redécoupé en six parcelles, d’une dimension bien plus généreuse que celle des îlots médiévaux du quai de la Fosse. Les constructions s’adossent les unes aux autres, formant cette grande longueur de plus de cent mètres, qui rend l’espace interne du lotissement très dense.

Ainsi, les vides sont le deuxième indice de ma recherche. La limite donnée par cette toise apporte cette identité compacte au tissu de l’ancienne île. Aujourd’hui, la relation entre ses façades et celles de la ville alentour n’a pas été modifiée. Le large espace né des comblements n’est réglé que par les réseaux de transports. Le projet aura donc un rôle à jouer dans la composition de ces vides et les relations urbaines qui en découleront.

Comme je l’ai dis, le bâti de l’île était structuré par les anciens quais et par deux étroites rues internes. L’axe principal, la rue Kervegan, la traverse dans sa longueur, se prolonge dans l’ancien tissu de la Saulzaie, venant butter dans le nouveau bâtiment du Carré Feydeau. Cette rupture de la perspective fait perdre de son identité et de son caractère à cette rue, je souhaiterais donc conserver

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cette linéarité dans le projet de la pointe ouest. Cependant, la rue n’a pas d’autre fonction actuellement que celle de desserte. Elle fait 7 à 8 mètres de large pour 360 mètres de long, et est bordée par des bâtiments d’une quinzaine de mètres de haut. Ainsi, l’addition d’une fonction et d’un usage propre à ce tracé nécessitera une adaptation de ses qualités spatiales dans le futur projet.

Cette fonction trouvera peut-être son devenir à travers l’utilisation du quatrième indice : le rapport au sol. C’est un paramètre intrinsèquement lié à l’île Feydeau. Déjà lors de son édification, la question des fondations du lotissement sur ce banc de sable instable avait fait l’objet de recherches poussées. Maintenant que l’eau a disparu, les urbanistes Fortier/Rota ont retravaillé le dispositif de quais en pieds d’immeubles, en recréant des pentes devant les façades sud. Cet imaginaire de l’île, par la signification d’une strate sous-jacente rappelant l’eau, est une idée majeure de l’architecture du lieu.

Enfin, si ces questions concernent majoritairement la partie externe de l’île Feydeau, d’autres caractéristiques se trouvent dans sa partie interne. La compacité de ses parcelles renferme des cours intérieures protégées par d’épaisses entrées. Bien qu’un réalignement ait été effectué, les îlots médiévaux laissent eux-aussi toujours entrevoir leurs ruelles biscornues. Ce fractionnement, dualité de compacité et de creux, est ce qui caractérise l’ambiance interne de l’île. Cette poésie, créatrice d’effets de surprise et de perspectives inattendues, jouant de lumières claires-obscures, est l’idée que je souhaiterais retrouver dans mon projet.Introduire la notion de poésie et du sensoriel dans la ville est pour moi le moyen de donner une valeur de bien collectif à l’ensemble.

Ci-contre : Les indices opérants, caractéristiques matérielles de l’île Feydeau

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Toise

Vides

axe cenTraL

rapporT au soL

FracTionnemenT

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Pendant quelque temps, le fait de ne pas avoir de programme auquel m’attacher sur ce site fut quelque peu déroutant. D’une part rien ne m’était imposé, et d’autre part aucun programme ne semblait se justifier plus qu’un autre. Finalement, j’en suis venue à la conclusion que le programme n’était pas un enjeu majeur du projet. C’est au travers de la construction du lieu et de son rapport à la ville que se trouve l’essence de mon propos.

Le marché de la construction étant étroitement lié au contexte politique et aux conditions économiques, il est aujourd’hui impossible de prévoir les transformations de la ville à un endroit donné. Les modifications nouvelles apportées à un lieu ne peuvent alors que supposer le futur de celui-ci, ou du moins faire en sorte que cela fonctionne quelque soit son devenir. Cela suppose bien sur que l’on souhaite créer quelque chose qui durera dans le temps, et non un de ces objets architecturaux propres à la ville mondialisée. Beaucoup de constructions réalisées actuellement procèdent d’une négation du temps, elles ne savent plus vieillir et se parent de pastiches imitants des matériaux patinés. Penser l’architecture aujourd’hui reviendrait à considérer un bien qui n’implique pas seulement les dix ans d’existence de la décennale, mais qui vise à devenir une valeur immuable de la ville et du lieu. Les enjeux pointés par le développement durable, de la limite des ressources matérielles à l’utilisation exorbitante d’énergie, suffiraient à justifier la nécessité d’augmenter la durée de vie de nos bâtiments. Etre durable, c’est faire œuvre de résistance au temps. Cela implique une robustesse physique, mais aussi la capacité d’évoluer en fonction de l’occupation requise dans le bâtiment. Au delà des capacités matérielles de l’architecture, les valeurs culturelles et urbaines qu’elle induit introduisent la notion de patrimoine. Cette héritage commun ne concerne pas seulement les ouvrages d’hier mais aussi, et surtout, ceux que nous construisons

Mise en action

Aller-retour entre l’île et la ville

Ci-contre : Maquette de site et première implantation

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actuellement. Cette architecture qui donne son identité au lieu est une enceinte dont les qualités données aujourd’hui continueront d’exister dans le futur.

Dans ce sens, qu’offre-t-on de durable à une construction, c’est-à-dire quelles sont les qualités spatiales qui resteront malgré les mutations des usages dans le temps ? Quels sont les paramètres qui permettent la mutabilité des programmes, tout en conservant ce qui fait la valeur de la construction initiale ? Ainsi, le projet vise à dépasser la temporalité d’un programme, afin d’appliquer au bâtiment des qualités d’espace et d’ambiance qui lui seront intrinsèquement liées, quelque soit son évolution future. Le “non-programme” du projet est donc de réaliser une enceinte formelle alliée à une intériorité mutable.

Tout d’abord, j’ai cherché à trouver quelle serait l’implantation urbaine du projet, qui l’inscrirait à la fois dans une continuité de l’île Feydeau et qui requalifierait son rapport avec l’esplanade de la Petite-Hollande et de ses alentours. La recherche menée sur l’île Feydeau m’a permis de prendre conscience des limites de ce lieu dans ses interactions avec la ville. Longtemps regardée depuis les quais comme un renouveau urbanistique porteur de progrès, l’île Feydeau n’a jamais vraiment cessé d’être isolée. La continuité escomptée est mise en place dans la reprise des indices opérants relatés plus tôt. Comme dans le processus de production de Peter Zumthor, le projet découlera d’une continuation de certains paramètres du lieu, tout en s’affirmant par ses différences avec celui-ci.

Ainsi je reprends la toise originelle du lotissement, que je replace au niveau de square J.B. Daviais. L’axe principal de la rue Kervegan se prolonge au sein du nouvel îlot. La nouvelle rue (nord-sud) générée entre les anciennes et les nouvelles parcelles est plus large que les rues initiales, et elle s’élargit au sud sur une place ouverte sur l’île Gloriette. Ce vide offre un nouvel usage à la trame viaire de l’île, et marque la transition entre un tissu compact et le nouveau bâtiment. La construction d’une façade de 100 mètres de long, côté nord, redonne également de la valeur à la place de la Bourse.

Ci-contre : Recherches formelles et travail de maquette

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Le bâtiment est marqué par le traitement du rapport au sol, dans la continuité du travail initié par Bruno Fortier. Si l’imaginaire de l’île l’avait poussé à recréer des quais, le projet que je propose est de “soulever” les masses bâties du sol, afin de donner l’impression de flottement à l’ensemble. L’espace public passe alors sous le bâtiment, comme lorsque des rampes permettaient encore l’accès à l’eau.Cet espace ouvert est libre d’exploitation, dans la continuité des occupations variées et temporelles de la Petite-Hollande. L’image des halles, historiquement bâties à cet endroit, et le marché tout proche, sont aussi évoqués dans cette sous-face.

En plus de son rapport au sol, le projet devra prendre en compte un autre paramètre primordial : sa position urbaine, à la pointe ouest de l’île, questionne la relation du bâtiment avec la Loire. Tourné vers Saint-Nazaire, le bâtiment fera figure de belvédère sur le fleuve. Dans cette idée, le toit est un nouveau sol, accessible en partie par le public et par les usagers du bâtiment. On y profite d’une belle perspective sur la Loire, et d’un point de vue privilégié sur le reste de la ville.

Le caractère de fractionnement, de percées intérieures, repéré lors de mon enquête sur l’île Feydeau est l’idée majeure qui définit la composition des volumes du projet. Le bâtiment se compose comme une enceinte, déclinant le rapport du bâtiment à la ville, ou vice-versa. Différents niveaux d’intimité se distinguent, depuis la façade externe ouverte sur la ville, jusqu’aux espaces internes. Dans l’épaisseur de 35 mètres des îlots, je creuse des cavités, servant à améliorer l’ensoleillement de la sous-face et des façades intérieures de l’édifice. Dans l’usage, ces percées sont des espaces intermédiaires, entre le tumulte de la ville et les parties privées du programme. Depuis l’espace public en sous-sol, on découvre ces ouvertures vers le ciel, effets de surprise ou de curiosité.

Une fois cette enceinte créée, donnant à l’ensemble ses qualités immuables gages d’une futurité permise, il faudra la mettre à l’épreuve de différents usages. Je tenterais donc l’adaptation du bâtiment à plusieurs fonctions et programmes : logements, bureaux, commerces, équipements...

Ci-contre : Croquis de recherche

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EPILOGUE

Grâce à l’étude du travail de Peter Zumthor, j’ai eu l’occasion de comprendre un processus de conception intrinsèquement lié à notre capacité de perception. De l’environnement qui nous entoure à la découverte de nouveaux lieux, nos sens se mettent parfois en action face à une pratique nouvelle de ces espaces.

J’ai choisi de faire l’expérience de cette démarche de conception à travers l’exercice de projet présenté ici. La mise à l’épreuve du précédent travail de mémoire m’a permise d’aller au-delà de la compréhension théorique de ce que constitue l’approche sensible en architecture. En partant de l’exploration de l’île Feydeau, j’avais quelque part l’idée que celle-ci ferait naître en moi une “vision” de projet. Il en a été tout autre. Se mettre en conditions de faire l’expérience d’un lieu requière une certaine “ouverture”, afin de se laisser aller à la possibilité d’une découverte fructueuse. Finalement, le chemin ouvert par Peter Zumthor a laissé place au développement d’une vision personnelle de la manière de concevoir l’architecture , vis-à-vis d’un territoire et d’une temporalité donnés.

Ce sentiment qui m’anime lorsque je rentre en contact avec un lieu, ou une architecture particulière, est, je crois, ce qui a fait naître en moi la volonté d’exercer ce métier. Si cette sensibilité est aujourd’hui une porte d’entrée pour la conception de ce projet, je pense qu’elle sera, bien au-delà, une manière de toujours requestionner ce qui m’entoure et, pour ma part, de résister à un système de plus en plus réducteur.

Ci-contre : La rue Kervegan et la ligne verte du Voyage à Nantes, à la fois matière et culture urbaine. Photo personnelle

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Revues

_ Association Cosa Mentale. Cosa Mentale # 04 - Penser la matière. Reims : Alliance Partenaire Graphique, Décembre 2010, 74p

Ouvrages

_ ASENSIO Francisco. Atlas des paysagistes. Genève : Aubanel, 2006, 511 p. Espaces publics en centre-ville de Nantes, p.100

_ BIENVENU Gilles. Nantes, l’île Feydeau, Loire-Atlantique. Nantes : Association pour le développement de l’inventaire général, 1992, 80 p.

_ CACHE Bernard. Terre Meuble. Orléans : HYX,1997,154 p.

_ CALVINO Italo. Les villes invisibles. Folio, 2013, 208 p.

_ CHOPPIN Julien, DELON Nicola, Encore Heureux. Matière grise : matériaux, réemploi, architecture. Paris : Pavillon de l’Arsenal, 2014, 365 p.

_ DURISCH Thomas. Peter Zumthor, 1985-2013. Tome 1. Zurich : Scheidegger & Spiess, 2014, 173 p.

_ MASBOUNGI Ariella. Grand Prix de l’urbanisme 2002, Bruno Fortier et cinq grandes figures de l’urbanisme. Paris : Direction générale de l’urbanisme de l’habitat et de la construction, 2002, 65 p.

MEDIAGRAPHIE

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_ MERLINI Luca. Le Pays des maisons longues et autres trajectoires. Metis presses, 2011, 152 p.

_ SIZA Alvaro, GREGOTTI Vittorio et BARANI Marc (préface). Imaginer l’évidence. Marseille : Parenthèses, 2012, 154 p.

_ TREUTTEL Jean-Jacques, Nantes : un destin contrarié, France : Hartmann, 1997, 120 p.

Conférences

_ Les rdv du Global Award for Sustainable Architecture. Philippe Madec, Oser le spécifique , la bienveillance, les cultures. 2013. Cité de l’architecture et du patrimoine.

_ Leçon inaugurale de l’Ecole de Chaillot. Wang Shu : Construire un monde différent conforme aux principes de la nature. 2012. Cité de l’architecture et du patrimoine.

_ Questions d’actualité n°26. Matériaux, Réemploi et Architecture. 2014. Pavillon de l’Arsenal.

_ Le Grand Débat. Nantes, la Loire et nous. Audition publique : Loire, attractivité urbaine, qualité urbaine. 2015. Nantes Métropole.

_ Les conférences de l’alliance, Centrale - Audencia - Ensa Nantes. Armand Nouvet, double entrée. 2015. Ensa Nantes

Thèses

_ TESSIER Maëlle, Architecture et phénoménologie, résonances: tournant idéologique des années 1950 et perspectives contemporaines, Thèse de doctorat, Histoire de l’art, Université de Paris 1, 2012, 361 p.

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Alice BertinRapport de Projet de Fin d’Etudes

Sous la direction de S.Guth et R.RousseauEnsa Nantes _ Juillet 2015